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Monday, July 13, 2020

La voiture électrique prête à prendre la route - Sciences et Avenir

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Cet article est paru initialement dans le mensuel Sciences et Avenir n°880 daté juin 2020.

Avec la crise du Covid-19, les constructeurs automobiles espèrent un soutien important des États et de l'Europe. L'occasion de privilégier le développement de la voiture électrique. Ce d'autant plus que la nouvelle réglementation européenne - si elle est maintenue - impose aux constructeurs des émissions moyennes ne devant pas dépasser les 95 g de CO2/ km au 31 décembre 2020. L'offre devrait donc exploser. Un véritable bénéfice pour la lutte contre le réchauffement climatique car il est aujourd'hui admis que sur toute sa vie, la voiture à batterie émet moins que la voiture thermique. Une vertu qui ne suffit pas à gommer ses handicaps : l'autonomie trop juste, le temps de recharge trop long et un réseau public de bornes mal structuré.

La meilleure option pour le climat

La voiture électrique émet moins de gaz à effet de serre qu'un véhicule thermique. Mieux, aujourd'hui, quand on compare n'importe quelle voiture électrique avec n'importe quelle voiture thermique, quel que soit le pays, la première l'emporte dans 95 % des cas. Cette conclusion est tirée d'une vaste étude publiée en mars dans la revue Nature Sustainability, certainement la plus exhaustive à ce jour sur le sujet. Menés par des équipes britannique et néerlandaise, ces travaux sont fondés sur l'analyse du cycle de vie de l'ensemble des véhicules du marché, c'est-à-dire leur impact environnemental, notamment en matière d'émissions, depuis la fabrication jusqu'au recyclage en passant par l'utilisation sur la route. À noter, pour la voiture électrique, ce sont la fabrication de la batterie et celle de l'acier de la structure qui sont la source d'un surcroît d'émissions.

Les chercheurs ont analysé toutes les voitures : essence, Diesel, hybride, au gaz naturel, électrique, de toutes puissances, ainsi que les motos. Ils ont aussi tenu compte du mix énergétique disponible dans chaque pays pour produire l'électricité. Un critère essentiel car recharger une batterie en Pologne, où l'électricité provient essentiellement de centrales à charbon, revient à émettre beaucoup plus de gaz à effet de serre (950 g de CO2/kWh) que la même recharge en France où l'électricité est produite à 75 % par les centrales nucléaires (100 g de CO2/kWh).

L'étude s'est aussi attachée à prévoir l'évolution de ces émissions dans les prochaines décennies. "Nos calculs montrent que dans dix ans, quels que soient les modèles comparés et quel que soit le pays considéré, les voitures électriques émettront moins de gaz à effet de serre (GES) que les voitures thermiques", explique Jean-François Mercure, chercheur à l'université d'Exeter (Royaume-Uni) et l'un des principaux auteurs de la publication. Selon lui, une stratégie favorisant l'électrification des transports est gagnante à coup sûr. "Nos prévisions tiennent compte de trois scénarios plus ou moins favorables à la voiture électrique. Dans tous les cas, la voiture à batterie est plus vertueuse." Ces trois scénarios de prospective vont du plus au moins favorable. Premier cas : les politiques environnementales visent l'objectif de l'accord de Paris de 2015, c'est-à-dire permettent de limiter le réchauffement climatique à 2 °C. Cela implique une électrification massive des transports accompagnée d'une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre dans la production d'électricité.

Le deuxième scénario, moyennement favorable, voit les technologies dans les transports et la production électrique suivre la même évolution qu'aujourd'hui, avec une tendance à la réduction des émissions, mais sans objectif. Enfin, troisième scénario, plutôt catastrophe : le secteur des transports suit l'objectif de l'accord de Paris, mais pas la production électrique. Elle émet de plus en plus de gaz à effet de serre car la demande en électricité explose. Mais même dans ce pire cas, la voiture électrique reste plus verte.

Le casse-tête de la recharge

Bienheureux le propriétaire de voiture électrique qui n'a pas besoin de charger son véhicule sur une borne publique. Car c'est là que les ennuis commencent. En France, il existe près d'une centaine de réseaux de recharge. Certains dépendent d'une commune, d'un département, d'une région ou d'acteurs privés, français ou européens. La plupart de ces réseaux ne sont pas interconnectés. Autrement dit, si un utilisateur est abonné à l'un, il devra aussi s'abonner aux autres réseaux pour pouvoir accéder à leurs services. Les choses se compliquent un peu plus pour ceux qui s'aventurent sur l'autoroute. Ce sont encore d'autres opérateurs qui délivrent le courant et auxquels il faut s'abonner ! Problème : en février, Izivia, filiale d'EDF, premier opérateur pour la recharge rapide sur autoroute, a décidé de supprimer définitivement 189 de ses 217 bornes, en raison de problèmes de sécurité.

Il est ainsi devenu quasi impossible de traverser la France en voiture électrique, sauf pour les propriétaires de Tesla qui disposent d’un réseau exclusif de près de 600 bornes de recharge dans 71 stations. Il existe pourtant des solutions comme la plate-forme Gireve qui permet d’interconnecter plusieurs réseaux. Nouveau problème : l’opacité de la tarification. Les prix de la recharge varient selon la durée, la quantité d’énergie, le stationnement, la commission, les accords passés entre constructeurs et réseaux, etc. Ainsi, on a pu constater depuis janvier une lourde augmentation des tarifs du réseau européen Ionity détenu par un consortium de marques automobiles (BMW, Mercedes-Benz, Ford, Audi, Porsche, Volkswagen et Hyundai). Jadis, il facturait un forfait de 8 € la charge, quelle que soit la durée ou la quantité d’énergie. Mais aujourd’hui, en particulier les propriétaires de voitures qui ne font pas partie du consortium doivent débourser 0,79 € du kWh. Pour une Renault Zoé, le plein d’électricité a bondi de 8 € à 41 €.

Autonomie constructeur versus autonomie réelle

Principal obstacle à l’acquisition d’une voiture électrique, son autonomie. Et ce, en dépit des progrès importants de ces dernières années. Si la plupart des trajets quotidiens des Français dépassent rarement la trentaine de kilomètres, l’idée de ne pas pouvoir effectuer quelques longs trajets durant l’année, notamment pendant les vacances d’été, reste un frein à l’achat. Pendant ce temps, les constructeurs affichent des chiffres d’autonomie optimistes… très discutables. Les valeurs annoncées sont obtenues après une procédure de mesure de la consommation des véhicules (thermiques européens et électriques) sur bancs à rouleaux, la Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure (WLPT).

Censées être proches de la consommation réelle, les mesures ne correspondent que rarement à l’autonomie constatée pour les voitures électriques. Nos confrères de L’Automobile Magazine, qui utilisent depuis une vingtaine d’années leur propre procédure de test sur circuit (certifiée ISO 9001), ont ainsi relevé des écarts importants. Par exemple, pour une Peugeot e208 : 252 km d’autonomie alors que le constructeur clame 394 km. Sur autoroute, cycle le plus défavorable à la voiture électrique, une Audi eTron 55 Quattro atteint tout juste 250 km. Seules les coréennes Kia e-Niro et Hyundai Kona tirent leur épingle du jeu avec des autonomies maximales respectives de 448 et 480 km. Outre l’autonomie, nos confrères de L’Automobile Magazine insistent sur l’importance du temps de charge. Avec le chargeur le plus puissant (50 kW) accepté par une Renault Zoé, il faut près d’une heure pour passer de 10 à 80 %. Et près de cinq heures avec les chargeurs les plus puissants qui peuvent être installés à domicile.

SUV, un non-sens électrique

Depuis janvier 2020, la nouvelle réglementation européenne CAFE (Corporate Average Fuel Economy) limite les émissions moyennes sur l’ensemble des ventes d’un constructeur à 95 g de CO2/km par véhicule. Même si cette valeur peut légèrement varier selon la masse du véhicule, tous les constructeurs ont dû étoffer leur offre de voitures électriques ces derniers mois. Du coup, sont apparus au catalogue, des modèles sportifs et des SUV souvent lourds et très gourmands en énergie. Par exemple, le SUV Audi eTron 55 Quattro qui affiche plus de 2,5 tonnes sur la balance dont 700 kg de batteries. S’il s’agit de transporter une seule personne de 80 kg pour ses trajets quotidiens domicile-travail, ce véhicule est à l’évidence un non-sens. "Il existe des besoins pour des gros véhicules, notamment pour des familles nombreuses. Mais transporter autant de batteries pour une seule personne, c’est dérangeant. Si la crise du Covid-19 se traduit par un plan de relance, il faudra en profiter pour stimuler par des aides le développement de la voiture électrique, mais pas des SUV ou des véhicules puissants. L’enjeu est de démocratiser son usage", estime Maxime Pasquier, spécialiste des transports et de la mobilité à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).




July 13, 2020 at 02:00PM
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